C’est en lisant les lettres d’un jeune sergent que j’ai reçu hier par mail que j’ai choisi d’écrire ce message, qui même s’il est hors sujet avec mon stage en Irlande, est écrit ici à Athenry tranquillement posé les fesses sur mon canapé. Je ne sais pas vraiment si les larmes d’une sœur, d’une mère, d’un père, d’une famille toute entière, ou simplement d’amis ou d’inconnus rassurent, et aident là-bas, mais en tout cas elles sont si difficiles à calmer ici en Irlande, ou en France, dans nos maisons qu’elles doivent être pleine d’amour et de compassion pour eux, ces soldats, ces proches, ces enfants, frères ou sœurs qui se battent là-bas. Pour quelles raisons ? moi je vous le demande là maintenant ? Pourquoi sommes-nous obliger d’endurer et de vivre ça. Ce calvaire incessant, continuel et permanent, cette peur d’entendre son téléphone sonner, de jour comme de nuit, pour qu’on se réveille et qu’on entende le verdict quel qu’il soit, vous comprendrez alors que les nuits peuvent parfois être bien longues, car la peur de s’endormir et de se réveiller le matin avec un message sur un répondeur nous tient bien éveillé…
Alors oui c’est vrai que je me pose cette question de savoir pourquoi envoi-t-on des soldats se battre là-bas ? Les intérêts français ? Certes lesquels ? La prévention contre une éventuelle attaque terroriste ? Je suis malheureusement sûre qu’appuyer sur des queues de détente là-bas ne change pas grand-chose à la situation, pourtant en tant que réserviste, qui ai choisi de servir mon pays (à ma manière je te l’accorde petit frère), j’ai tout de même choisi et accepté d’une certaine manière cet engagement. D’ailleurs je ne pense pas qu’être là-bas empêchera 2 imbéciles de monter dans un avion et de se cracher sur le premier building qu’ils verront à Paris, ou de faire sauter le métro St michel, un vendredi ou samedi soir, entre 18h et 20h, moment de grande affluence… certe non…
La confusion s’installe peu à peu alors dans mon esprit et j’en viens à me demander si je me pose les bonnes questions, si j’agis bien en prétendant servir une noble cause. Si servir mon pays c’est ça, c’est être tranquillement assise le cul dans le canapé à prier tous les soirs que mon petit frère rentre en vie ? La bonne affaire ! Etre tourmentée à ce point, envahie par des émotions inconnues jusqu’à maintenant, allant même à être réjouie à l’idée que l’homme qui est mort hier n’était pas mon frère ? Une vision égoïste qui m’envahit depuis 2mois maintenant alors qu’un père de famille de mon âge vient de mourir ? D’une certaine manière je me dis que oui, mes prières sont là, mon frère est toujours vivant, mais bon sang, cette question incessante : comment, si dieu existe peut-il laisser faire ça ? Au nom de quoi, de qui ? Si l’on se pose 5minutes et qu’on commence à y penser alors je crois qu’on est foutu, c’est même sûre qu’on ne croira plus en rien. Une vision bilatérale pour une scientifique en herbe comme moi, ça ne devrait pas tant me poser de problèmes…tiens pardi … C’est là où on voit que malheureusement la vie n’est ni noire, ni blanche, elle est certainement un peu des deux …c’est même sûre en fait !! Alors oui, on se raccroche parfois à des petits instants, des souvenirs, des photos, puisqu’à l’heure d’aujourd’hui je dirai qu’hormis les séquences vidéos et les mémoires d’un jeune sergent, je n’ai que ça ! Ce n’est certainement pas assez, mais je n’ose même pas imaginer le calvaire qu’on dû endurer ces femmes qui autrefois attendaient patiemment parfois des années une lettre, un télégramme, ou le retour de leurs hommes, alors par mémoire pour nos anciens, allé n’ayons pas peur d’être féministe un petit peu… alors par mémoire pour nos anciennes je ne me plaindrais certainement pas, je tâcherai d’être patiente un petit peu.
Alors que cette tâche s’accomplit, je me pose encore bien des questions. La première : quel est notre rôle après tout ? Le soutient familiale est certainement le plus important dans leur tête là-bas. Savoir qu’ils ont du monde derrière eux qui les attend est quelque chose de très fort et même si notre action semble impuissante à nos yeux, jusqu’à présent l’homme a toujours réussi à déclencher des guerres avec ses pensées mais n’a jamais réussi à les arrêter, d’ailleurs le premier qui y arrive je lui paie un coup promis, même deux dans un élan de bonté ! Trêve de plaisanterie, je crois que le lien proches-soldat est quelque chose de tellement fort pour eux, que nous ne pouvons pas le ressentir. Même si je suis quasiment sûre que les larmes qui coulent sur ma joue sont certainement le reflet de ce lien qui existe entre lui et moi, entre lui et nous. Et en même temps je me sens d’une inefficacité à toutes épreuves, je m’explique : penser, tout le monde est capable de le faire après tout, et même si les médias ne traitent pas forcément la question en temps et en heure, et certainement de la manière où nous proches ne le souhaiterions, quand un visage apparait à la télé, je pense que toutes les personnes qui voient la photo d’un soldat mort au combat pensent à lui et à ses proches. Mais en vérité ce n’est certainement pas la même pensée qui nous habite. En même temps, accorder 14secondes en tout et pour tout à un père de famille de 24 ans qui donne sa vie pour son pays à 4000 km ne peut certainement pas susciter la même pensée chez tout le monde…la preuve est qu’on le place juste avant la météo histoire de faire passer la pillule, un peu comme : « je vous informe qu’un soldat est mort, mais vous inquietez pas demain il fait beau ! c’est assez désolant tout de même pour nous….
Voilà après avoir fait mon blabla (et je pourrais tjs en faire^^) je repars directement sur mes terres…enfin en attendant de revenir en France. Ici les journées s’enchainent …vites et bien…pas mal de labo, le projet se met en place, alors bon au rythme irlandais, pas trop vite le matin, pas trop rapide l’après-midi, faut pas charrier nan plus ! La pluie s’invite au rendez-vous (beaucoup trop souvent en fait^^) mais on se fait à l’idée, il pleut, il pleut…c’est l’Irlande c’est beau comme ça !!
Sinon alors pour tout ceux enfin plutôt celles qui se sont mis dans l’idée de me caser en Irlande, on se calme RAS à l’horizon, voilà ça c’est fait, on passe à la suite : dans les grandes news euh..pas grand-chose, j’ai un peu moins le syndrome de la débile française qui comprends pas quand on lui parle, avec les jeunes ça va, avec les vieux ça va…euh nan en fait avec les vieilles ça va plutôt pas mal..les vieux…hum c’est une autre affaire !! je vais bien finir par m’en sortir…il faudra bien de toute façon. L’un dans l’autre les reflexes arrivent, et certaines phrases sortent (parfois) sans hésitation^^ youhou enfin pour el moment ce n’est que parfois !! Au programme de ce week end normalement si tout va bien et que rien vient chambouler mes plans : Galway/cliffden (connemara) … et profiter des deux poulettes qui débarquent mouahahahah
Des gros bisous du pays des ginger hair pce qu’ici c’est comme ça qu’on les appelle !
Vu mon état actuel pleurer me vient de suite à l’idée mais je crois que ça ne sert pas à grand-chose et que surtout ça ne les aide pas vraiment là-bas. Je dois bien avouer que je ne suis pas sûre que le frangin serait content de voir sa sœur (alors qu’il ne la voit jamais !) pleurer comme une madeleine… (j’ai compris le message je sèche les larmes !)…
deuxième idée : envoyer plein de lettres et de colis… verdict ça marche pas trop mal, plusieurs choses sont tout de même à prendre en compte ne pas oublier de joindre dans votre premier colis une boite de punaises (voir même 2 s’il a des proches bavards !) prévoir avec l’intéressé ou les intéressés si vous avez une super famille de milouf, une liste (qui peut être mise à jour…) des choses plus ou moins urgentes à envoyer…typiquement le plus important quand on voyage à l’étranger : hummm la nourriture…oui oui mesdames, ces jeunes gens ça mange, et quand on est français, qu’on est un mec de surcroît et qu’on est militaire on mange beaucoup…si en plus vous avez le malheur d’être un ardéchois pur et dur préparez un vrai budget bouff
